1.3.10

Comment je me suis disputée avec ma dentiste (ma vie sanitaire)

Depuis le matin, j'avais la nausée. Des sueurs froides. Le ventre noué. Mon rendez-vous de 15h chez le dentiste était programmé depuis bien longtemps et j'avais tenté, en vain, de l'oublier. J'ai espéré que la voiture tombe en panne, qu'un tsunami s'abatte en pleine Méditerranée, que le cabinet soit fermé pour cause de H1N1 foudroyante... rien n'y a fait, mon rdv a été maintenu, et j'étais tout sauf détendue.

Je suis entrée dans le cabinet à reculons, et elle m'accueillit de son ton joyeux: "Allez, on y va, ben alors, vous avez un air de quelqu'un qui se rend à l'abattoir". Si tu savais, ma pauvre, comment je me sentais. J'avais tout simplement envie de mourir.

Il y a bien longtemps, dans une période douloureuse (appelons-la adolescence), j'ai passé des heures chez le dentiste, pour des choses affreuses: des abcès, des caries qui se transformaient en abcès, des dévitalisations de dents qui viraient aux abcès, des arrachages de dents qui terminaient pas des abcès. Mon dentiste faisait n'importe quoi, et aujourd'hui je le soupçonne de m'avoir trifouillé la bouche bourré comme un coing. J'ai donc passé plusieurs années à squatter le fauteuil du dentiste, et ce plusieurs heures par semaine. Bien m'en a pris, car mon dernier dentiste en date (je ne suis pas fidèle en ce qui concerne les professionnels de la santé), mon dernier dentiste donc, m'a assuré que mon implantation dentaire était parfaite. Il m'a confié ceci après plusieurs verres de vin rouge et un excellent repas qu'il m'avait préparé. Oui, j'ai daté mon ex-dentiste, mais ceci est une autre histoire.

A présent, je suis totalement phobique à l'idée de m'asseoir sur un fauteuil de torture dentaire. A la dernière séance, j'ai empêché ma dentiste de faire quoi que ce soit, à part des petites radios et deux trois coups d'oeil (je la surveillais de près, elle ne pouvait pas me mettre n'importe quoi dans la bouche). Pas de chance, vers mes 20 ans, mes quatre dents de sagesse ont décidé qu'il était temps de découvrir le grand monde, de se faire la malle, d'aller explorer le dehors. Elles étaient un peu pressées alors elles sont sortis n'importe comment.

"Vous voyez, en bas à gauche, c'est normal que vous ayez eu cette infection, il y a eu un pont qui s'est formé entre la dent de sagesse et la gencive, et la nourriture s'y installe... jusqu'à l'infection. Et ce malgré le brossage de dents minutieux". Déjà, ce qu'elle me racontait était dégueulasse. Ensuite, elle en a rajouté une couche: bon, faudra vous en arracher deux; on va faire une radio panoramique et aviser pour la suite. Et puis vous avez une grande carie, on la traite la semaine prochaine.

J'ai bien essayé de protester, de dire ah mais non, je préfère me bourrer d'anti douleurs, me rouler par terre, prendre de la coke ou porter un dentier: mais pas ça! Elle m'a rétorqué d'un discours très moralisateur et m'a posé le rendez-vous. Faible que j'ai été, je n'ai pas bronché.

Le rendez-vous est donc arrivé. Je me suis assise, la mort dans l'âme, et cette vicieuse avait déjà la piqûre en main. "Ne la regardez pas!" me crie-t-elle. Oui, mais quand quelque chose s'insère dans ma bouche, j'aime bien savoir ce que c'est moi Madame, parfois on a de mauvaises surprises (un jeu de mots foireux me vient à l'esprit, je vous épargnerai cette fois-ci).

Elle me pique, je ne sens quasi rien. Les piqûres ne m'impressionnent plus. Depuis que je me suis faite tatouer sur les côtes, après tout plein de petites aiguilles qui appuyaient sur mes os, je crois que je suis devenue une warrior de la piqûre. Mon angiologue (un spécialiste des veines, décidément ma vie chez les médecins est remplie) en fut épaté, pendant qu'il me faisait d'innombrables piqûres de produit sclérosant dans les cuisses (miam!): "Vous êtes impassible!". Oui, en effet, se faire piquer dans le gras ou même la mâchoire, c'est finalement moins douloureux que sur les côtes. CQFD.

Après la piqûre dans ma gencive, le produit anesthésiant se met à agir. Elle me demande de rincer, je ne sens plus ma lèvre, je recrache et j'en mets partout. Je me mets à baver comme une trisomique. Je suis pathétique, et j'ai peur. J'ai des bouffées d'angoisse qui montent, et je commence à avoir les larmes aux yeux. Elle s'approche avec la fraise et se met à creuser dans ma dent comme une malade. Je trouve ça inhumain, pourquoi veut-elle m'infliger ça, n'ai-je pas assez souffert dans ma vie, etc. J'en étais là de ces considérations quand je me rends compte qu'elle prend une fraise encore plus grosse, qui fait encore plus de bruit, et qui me dévisse la tête. J'ai l'impression que la vis résonne dans mon cerveau, mon esprit s'embrouille, je ferme les yeux et des larmes coulent sur mon visage.

Je ne suis pas faite pour les soins dentaires. Je me retiens d'éclater en sanglots, je garde les yeux fermés et je pense à mes plages de Nouvelle-Zélande. Du coup ça me rend encore plus triste et je ne tiens plus, de grosses larmes de crocodile coulent sur mes joues. "On dirait une rivière" qu'il m'avait dit, un soir, et n'avait rien trouvé de mieux pour me consoler que de me servir un autre whisky coca. J'avais fini dans un bar à karaoké, puis j'avais fini par un black out.

Je suis sortie du dentiste, après m'être allégée de 90 euros (connasse!). Plusieurs heures après, j'ai encore la lèvre anesthésiée à certains endroits, et quand je souris je ressemble à une handicapée. Mes dents de sagesse, elles peuvent s'enflammer et s'infecter dans tous les sens, je ne les enlèverai pas. Je préfère prendre des anti-douleurs, au moins c'est très 2010 comme tendance (et ça n'est pas Brittany Murphy qui me contradira! huhuhu).

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